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paternité

Parmi les modalités en débat dans la réforme du congé paternité, l’obligation est l’aspect le plus clivant. Et pour cause, elle soulève de nombreuses questions relatives à sa constitutionnalité, sa mise en place ainsi que ses conséquences sur l’organisation des familles et sur les mentalités dans la société.

La controverse sur l’obligation, abordée sous des angles différents selon les acteurs, se concentre principalement sur les questions suivantes :

  • L’obligation est-elle la solution pour changer la norme sociale ?

  • L’obligation aurait-elle un effet négatif ou positif sur le taux de recours des pères ?

  • Cette instauration mettrait-elle en cause le droit à l’emploi et le respect de la vie privée ?

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Alors que le congé maternité a été rendu obligatoire, la question de cette modalité se pose désormais pour le congé paternité. Considéré comme vecteur d’efficacité dans les mesures en faveur de l’égalité femmes-hommes, cet aspect du débat est le plus clivant.

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Changement des mentalités: quels impacts réels ?

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Une partie des acteurs de la controverse portent le projet de réforme pour faire valoir une parentalité partagée et un changement des normes de genre. L’obligation du congé se présente comme un levier d’action pour faire valoir ces changements des mentalités, dont l’efficacité d’impact est fortement contesté.

Muriel Pénicaud, ministre du Travail, refuse le caractère obligatoire du congé et déclare “Je ne suis pas sûre que l'on change les moeurs d'une société avec une obligation." Selon elle, si environ 30% des pères ne prennent pas ce congé paternité, c’est parce que la société n’est pas mûre pour ce changement, et la loi doit encourager et non créer les évolutions de société.

Dans le camp adverse, on retrouve des acteurs à l’image de la journaliste et blogueuse Titiou Lecoq et la féministe Rebecca Amsellem qui défendent l’obligation comme un moyen efficace de mouvoir les mentalités et de rétablir l’égalité entre femmes et hommes dans les sphère privée et publique. Lecoq, justifie cette volonté de mesure forte car “ “l’égalité pas phénomène naturel, si on veut l’obtenir c’est par la loi”.

Patricia Blancard, secrétaire nationale CFDT Cadres, chargée de l’égalité femmes-hommes nous a indiqué partager cette opinion : “On sait aussi très bien qu’il faut demander fortement. Si on ne dit pas “il faudrait que ce soit obligatoire”, ça va être “bon juste pour ceux qui veulent”.

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Réorganiser la répartition des tâches au sein du foyer : un problème collectif et social ou choix individuel ?

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Les divergences sur la possibilité de rendre le congé paternité obligatoire repose sur une conception différente de la hiérarchie entre libertés individuelles et la volonté d’établir l’égalité entre les femmes et les hommes. Le caractère contraignant et coercitif de la loi est rejeté par la directrice générale de l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales), Guillemette Leneveu, au nom des libertés individuelles. Selon elle, la loi se doit de respecter les aspirations, la diversité et la liberté d’organisation au sein des familles. De plus, elle craint qu’une obligation soit préjudiciable pour certaines catégories de personnes notamment à cause d’une perte de revenu. Selon elle, au lieu d’imposer par l’obligation la prise du congé, les causes du non-recours sont à étudier plus en en profondeur et d’autres scenarii que l’obligation doivent être pensés pour favoriser ce taux de recours. Cet argument est contré par Antoine Math, chercheur à l’IRES, qui invoque une études (Math & Meilland, 2004) qui démontrent que le taux de non-recours ne s’explique pas par la faiblesse de la rémunération mais plutôt par crainte anticipée vis à vis de l’emploi. On observe en effet que le taux de recours est le plus fort pour les emplois les plus stables (CDD, fonctionnaire) et le plus bas pour les emplois les plus précaires (CDD, chômage).

  Si l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) écrit également dans son rapport commandé par le gouvernement que l’obligation contreviendrait à la libre organisation des couples, l’économiste Hélène Périvier déclare que “la liberté de chacun et de chacune en matière d’organisation familiale est incontestable, mais le caractère sexué de cette organisation au niveau global en fait un problème social et collectif”. Elle place cette modalité au centre de son policy brief où tous les scénarii de réforme imaginés sont pensés comme étant obligatoires. Il semblerait qu’Hélène Périvier soit rejointe par de nombreux syndicats qui, au nom de l’importance de l’égalité professionnelle et d’une parentalité partagée, ont fait circuler un communiqué intersyndical regroupant CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires et UNSA pour réclamer une obligation du congé paternité.

Patricia Blancard, bien que la CFDT Cadres n’ait pas signé ce communiqué, nous a indiqué que son syndicat est également en faveur de cette modalité.

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Pour en savoir plus sur les acteurs mentionnés : 

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