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paternité

Parmi les modalités en débat dans la réforme du congé paternité, l’obligation est l’aspect le plus clivant. Et pour cause, elle soulève de nombreuses questions relatives à sa constitutionnalité, sa mise en place ainsi que ses conséquences sur l’organisation des familles et sur les mentalités dans la société.

La controverse sur l’obligation, abordée sous des angles différents selon les acteurs, se concentre principalement sur les questions suivantes :

  • L’obligation est-elle la solution pour changer la norme sociale ?

  • L’obligation aurait-elle un effet négatif ou positif sur le taux de recours des pères ?

  • Cette instauration mettrait-elle en cause le droit à l’emploi et le respect de la vie privée ?

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La controverse concernant l’obligation du congé paternité touche à la fois la place des pères au sein de la famille et au sein de la société. Quelles sont les conceptions de la paternité défendues par les désaccords concernant l’obligation du congé paternité ?

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La déculpabilisation des pères

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Pour certains acteurs, les pères subissent une violence symbolique importante lorsqu’ils délaissent la sphère professionnelle afin de s’impliquer plus fortement dans leur famille. Rendre le congé obligatoire est pensé comme un moyen pour les pères de se déculpabiliser au niveau de la société et de leur employeur. Par exemple, Boyer & Ceroux expliquent que la charge parentale est très stigmatisée pour les pères car rompre avec l’emploi s’élève contre les normes sociales traditionnelles. La norme du travail pèse dans l’implication paternelle, qui est perçue comme un manque d’engagement professionnel. Pour Hélène Périvier, chercheuse à l’OFCE, l’obligation du congé paternité protège les pères des pressions de l’employeur tout comme l’obligation du congé maternité protège les mères. Alors “Pourquoi ne pas protéger les pères de la même façon ?”. Des pères se positionnent également en faveur de l’obligation, comme Frédéric Amiel, père de 2 jumeaux, membre du collectif ParentEgalité. Dans son interview sur Konbini, il explique que les pères ne prennent pas le congé car c’est suspect du point de vue de la stature sociale, et que l’obligation permettrait de remédier à ces appréhensions.

La féministe Titiou Lecoq affirme que l'obligation permettrait aux pères d’avoir un pouvoir plus grand face à leur employeur, et les émanciper de certaines attentes sociales et professionnelles : “Ils pourront même dire «oulala patron, je vous jure que je n'ai pas du tout envie de passer un mois avec ma meuf et mon bébé mais je suis obligé, c'est la loi», avant d'aller acheter des couches en sifflotant.”

Cette idée de déculpabilisation est reprise dans le rapport de l’IGAS commandité par le Premier Ministre, selon lequel une obligation de courte période favoriserait la prise de congé par les pères en déculpabilisant ceux qui le prennent en totalité.

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L’obligation, une contrainte supplémentaire pour les pères ?

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Pour d'autres acteurs cependant, l'obligation ne déculpabilise pas mais constitue une contrainte contre-productive

Dans une étude menée par l’UNAF sur le partage obligatoire du congé parental, le libre arbitre apparaît comme essentiel : “Tous [les pères] disent avoir apprécié de pouvoir exercer leur libre-arbitre dans la prise de ce congé paternité : d’abord dans le fait de décider de le prendre, ensuite, dans la manière de prendre ces quelques jours de congé, c’est-à-dire, bien souvent, au moment où il le pouvait/voulait”. Cette opinion est partagée par Hélène Périvier : bien qu’elle pense que l’obligation soit extrêmement importante, elle n’est pas sûre que l’obligation soit pertinente du point de vue social car cela pourrait renforcer la réticence et la méfiance des pères qui ne prennent pas le congé, et donc finalement être une mesure contre-productive. Mercedes Erra, présidente de l’agence BETC réfute la proposition de l’obligation dans la mesure où un congé obligatoire serait perçu comme des vacances. Selon elle, une démarche bienveillante de l’entreprise liée à une bonne rémunération est assez incitative pour permettre un fort taux de recours.

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Les pères sont-ils prêts pour une obligation ?

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Selon Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, le congé ne doit pas devenir obligatoire car la loi encourage mais ne crée pas : s’il y a encore beaucoup de pères qui ne prennent pas le congé paternité, cela signifie que la société n’est pas encore mûre pour ce changement.

Au contraire, Patrice Bonfy, fondateur du média Le Paternel demande un congé paternité obligatoire de 2 semaines, car selon lui le phénomène des nouveaux pères est un phénomène grandissant qu'il faut prendre en compte dans la rédaction des lois : la société se transforme et la loi doit s'adapter. Cet argument des nouveaux pères est totalement remis en cause par certains acteurs comme Mercedes Erra, pour lesquels ce phénomène est loin d'être une réalité dans la pratique.

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Pour en savoir plus sur les acteurs mentionnés : 

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