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paternité

Les questions économiques relatives à la réforme du congé paternité portent essentiellement sur le financement et la rémunération. Le recours au congé paternité peut représenter un coût pour la famille, à un moment où les dépenses du foyer augmentent nécessairement avec l’arrivée de l’enfant. L’aspect économique, parfois identifié comme un facteur de non-recours au congé, est envisagé par l’Etat et les entreprises pour juger du taux de rémunération à établir. Le coût de la réforme (allongement et/ou obligation) a été estimé, le financement constituant une condition sine qua non de sa mise en place. La controverse se manifeste sur les questions suivantes :

  • L’indemnisation du congé est-elle satisfaisante et faut-il la réformer ?

  • Quels sont les effets de la prise du congé paternité sur les revenus familiaux ?

  • Quels seraient les coûts liés à la réforme ? La question budgétaire est-elle véritablement le frein à sa mise en place ? S’agit-il d’une question économique ou politique ?

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La réforme : quel coût pour l’Etat ?

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L’IGAS et Hélène Périvier, économiste à l’OFCE, ont chiffré les coûts qu’engendreraient les différents scenarii de réforme pour les finances publiques (pour découvrir les différents scénarios plus en détail, cliquez sur leur nom). Dans leurs calculs, ils utilisent les mêmes repères mais changent les variables (durée, obligation et taux de recours). Leurs différents scenarii, susceptibles d’influer la mise en place d’une réforme, varient ainsi entre 48 millions et 1,26 milliards de coûts supplémentaires. Mais pour l’IGAS, le coût de la mesure pourrait être partagé entre la CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales) et les employeurs. Il envisage également la possibilité d’imposer à l’entreprise de financer les deux jours de congé de naissance supplémentaires (aujourd’hui obligatoire et rémunéré par l’entreprise). Cela représenterait une économie de 100 millions d’euros pour la CNAF et pourrait s’avérer favorable pour l’entreprise si le congé accordé en cas de mariage ou de PACS était réduit à deux jours.

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Le coût : un véritable frein à la réforme ?

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Parce qu’Emmanuel Macron a récemment rejeté la proposition de réforme du congé parental, jugée “trop cher”, derrière le report de la réforme du congé paternité se cache l’argument budgétaire. Certaines personnes questionnent néanmoins la validité de cet argument. “Je trouve que l'argument budgétaire mis en avant est une forme de résistance à la transformation de notre état social qui serait beaucoup plus porteur d’égalité” affirme Hélène Périvier. “Le positionnement obtus de la France ne saurait être une question de budget” ajoute le collectif PA.F. Derrière l’argument financier, se cacherait la frilosité du gouvernement. Pour Hélène Périvier, ce n’est pas une question de finances publiques mais de priorité donnée par le gouvernement. Elle prend ainsi l’exemple des pays nordiques, souvent jugés pionniers en terme de politique familiale, pour souligner l’accent qu’ils ont mis sur l’égalité femmes-hommes et la cohérence de leurs investissements pour atteindre leur objectif. De nombreux acteurs envisagent des solutions pour que la réforme ne soit pas un surcoût mais un coût déplacé. Selon Hélène Périvier, “on peut très bien refondre une partie du système social et fiscal pour pouvoir financer ce type de droits”, en instaurant un transfert du congé postnatal de la mère au père. Dans son rapport, l’IGAS  envisage de neutraliser le coût par une diminution des jours de congé pour mariage ou pacs. A titre d’exemple : si les employeurs accordaient 8 jours de congés supplémentaires à l’occasion d’une naissance, le coût pour la CNAF serait nul tout en atteignant l’objectif de porter le congé de paternité à 3 semaines. Patrice Bonfy, en référence au congé paternité, et Guillemette Leneveu, en référence au congé parental, estiment que les coûts de la réforme du congé pourrait être compensés par l’allègement la pression budgétaire portée sur les modes de garde de la petite enfance, étant donné que l’entrée des enfants y serait retardée.

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L’amélioration de la rémunération : une priorité ?

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Parmi les observations faites par l’OPE dans son baromètre 2018, il est mis en évidence que le congé de paternité rémunéré est une mesure prioritaire pour 16% des salariés, loin derrière d’autres mesures visant à améliorer la conciliation vie de famille-vie professionnelle. L’impact de la rémunération dans le non-recours au congé paternité est néanmoins questionné (voir “La rémunération, en cause dans le non recours des pères ?”). Que faire ? Plutôt que d’améliorer la rémunération, l'État choisit pour le moment d’inciter les entreprises à complémenter les indemnités journalières. Celles-ci peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt famille, mis en place en 2004, en cas d’investissements dans la politique familiale. Il est accordé à hauteur de 25% des dépenses engagées en la matière (le plafond se situe à 500 000€).  

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Le maintien du salaire, une initiative laissée aux entreprises ?

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Certaines entreprises ont fait le choix de devancer la loi en offrant un complément de rémunération du congé paternité. Ce sont les accords d’entreprise et de branche qui permettent parfois de maintenir le salaire à 100%. BETC a par exemple triplé le plafonnement de la Sécurité Sociale afin d’assurer le maintien du salaire. Mais en dépit d’une augmentation de 11% entre 2009 et 2018, moins de 20% des salariés bénéficient de compléments aux indemnités journalières d’après le rapport de l’IGAS (2018) quand le maintien du salaire lors du congé maternité est davantage garanti (35% des entreprises privées en 2007, INED). Notons toutefois que la fréquence et le niveau des aides financières liées à la situation familiale croissent avec la taille des établissements. Si les compléments d’indemnités représentent un coût pour l’entreprise, de nombreux chercheurs mettent en avant les externalités positives en terme de productivité et de bien-être des employés. Ces compléments de rémunération apparaissent dès lors, non plus comme des coûts, mais comme de véritables investissements. Hélène Périvier souligne néanmoins la perversité de l’argument de la performance pour motiver de telles actions, et interroge la véracité des recherches sur les externalités positives : “Je mets au défi n'importe quel économiste de me le démontrer.” L'existence des externalités positives ne fait donc pas l’unanimité.

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Pour en savoir plus sur les acteurs mentionnés : 

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